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Difficile de s’exprimer sur un film quand on en ressort sans mots. Avec Noé, Darren Aronosky (Black Swan) signe une œuvre indescriptible, un savant mélange de genres saisissant.
Alors qu’il vit isolé avec sa famille, Noé reçoit un message de Dieu. Celui-ci lui demande de construire une arche afin de sauver d’un futur déluge apocalyptique, un couple de chaque espèce animale ainsi que lui-même et sa famille. Le prophète est aidé dans sa mission par des anges déchus piégés dans des corps de pierre tandis que les hommes abrutis par le pêché tentent de s’incruster à bord.
Néo-péplum à grand spectacle mâtiné d’Heroic Fantasy (le réalisateur dit s’être inspiré du Seigneur des anneaux), on assiste dans un premier temps à un blockbuster biblique où déluge d’effets spéciaux, photographie à couper le souffle et spiritualité ne font qu’un. Une alliance qui s’illustre parfaitement le temps d’une séquence magique mêlant créationnisme et darwinisme. Mais une fois Noé et sa famille à l’abri des pluies torrentielles, le film à gros budget se mue en drame familial intimiste qui fait la part belle à ses acteurs. Russell Crowe en tête. Ce dernier retrouve enfin un personnage à la hauteur de son talent. Grâce à Darren Aronofsky qui livre une version de l’histoire de Noé plus sombre et fouillée que celle présente dans la Genèse, l’acteur néo-zélandais incarne avec brio un homme foncièrement bon et loyal dont le caractère consciencieux le fait craquer sous le poids de la pression divine. Il a beau avoir été choisi, il n’en est pas moins humain. Face à lui, Emma Watson brille dans la peau de sa fille adoptive Ila, son premier grand rôle depuis Harry Potter. À mesure que le patriarche se radicalise, la jeune fille plus confiante tente de le faire revenir à la raison avec l’aide de son épouse Naameh (Jennifer Connelly). La conversation finale entre Noé et Ila illustre parfaitement les différentes interprétations qui peuvent être faites d’un message de Dieu et confère au film une portée philosophique inattendue mais bienvenue. Il est aussi évident que le cinéaste veut faire d’Ila, une sorte d’icône. Stérile, elle tombe miraculeusement enceinte. C’est donc par elle que l’humanité doit renaître tandis que Noé est persuadé que sa tâche est d’y mettre fin. Chez Aronosfky, la femme est définitivement l’avenir de l’homme.
Noé est un film souvent très déroutant – on est même perplexe face à ces mystérieux géants de pierre (croisement entre un Transformer et un mange-pierre de L’Histoire sans fin), ces hommes qui sont tous des meurtriers en puissance ou Noé qui se laisse dicter son destin par un simple rêve – mais on se laisse vite séduire par un récit intelligent et des héros fascinants. Noé est sans aucun doute un des films de l’année.
Titre original : Noah
Sortie : 9 avril 2014
De : Darren Aronofsky
Avec : Russell Crowe, Jennifer Connelly, Emma watson, Ray Winstone, Douglas Booth, Logan Lerman, Anthony Hopkins, Nick Nolte, Kevin Durand, Frank Langella…
2 Comments
Que veut dire « livrer une histoire plus sombre et plus fouillée que celle de la Genèse » ? Je suis un peu dubitatif, je l’avoue. Quant aux anges déchus transformés en statue de pierre, s’ils sont déchus, pourquoi aident-ils Noé dans sa quête ? Ils devraient l’en empêcher, au contraire… A l’image de The Fountain, ce film est doté d’une mystique new age sans queue ni tête.
Hello,
Ce que je voulais dire par « plus sombre et plus fouillée », c’est que l’histoire de Noé dans la Genèse n’est pas plus développée que ça. On ne connaît même pas le nom des femmes des fils de Noé et Noé obéit à Dieu sans se poser de questions, sans être torturé comme peut l’être Russell Crowe dans le film. En ce qui concerne les anges déchus, ces derniers aident Noé, justement, afin de se faire pardonner. Je n’ai pas vu The Fountain mais après Black Swan et Noé, j’ai très envie de découvrir ce film. Après c’est vrai que Darren Aronofsky est un réalisateur auquel on accroche ou pas.